Un dernier soir à Paris

Publié le par Qalawun

Tags : France

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Bartok, Dedication, 10 easy pieces


Il pleut.

Je remonte le boulevard Secretan sous les quelques gouttes qui tombent. Il fait nuit. Je traîne derrière moi une journée trop remplie. Déjeuner, café, bière, café, coca, poppers, vin blanc, joint, chips aux crevettes. Pluie.

C'est mon dernier soir à Paris, comme une fois tous les six mois, grosso modo. C'est toujours un peu particulier. Le sentiment d'avoir trop chargé le programme et de pas s'être suffisament reposé. Mais aussi le sentiment de n'avoir pas vu la moitié de ce(ux) qu'on aurait voulu voir. Un peu fatigué et un peu frustré, donc, de ces quelques jours à Paris. L'envie toujours de tout acheter, de tout lire, de tout voir. Alors que demain soir, dans ma ville sainte, je dormirai à 80 kilomètres d'une tuerie à Gaza. 61 morts samedi. Vraisemblablement la journée la plus sanglante depuis le déclenchement de la seconde intifada en septembre 2000.

Il y avait le Pianiste, le film
sur Varsovie avec Adrian Brody, sur France 2 ce soir. C'était à propos puisque je suis en train de lire Levy oblige par Thierry Levy, un petit bouquin dont j'avais déjà parlé. Voilà un paragraphe qui a retenu mon attention :

"Aucun sioniste n'avait prévu que la destruction des juifs d'Europe précéderait et, surtout, faciliterait la création de l'Etat d'Israël. En se mettant en travers de l'histoire, l'événement l'a rendue illisible et trompeuse. La monstruosité du crime n'a pas seulement obscurci nos esprits, elle les a imprégnés d'idées monstrueuses qui nous dominent à notre insu.

L'une d'entre elles est que l'extermination des Juifs au milieu du XXème siècle est un crime unique." (p. 90)

J'en profite également pour ajouter un élément au post sur un acte d'antisémitisme en France; citons donc la page 77 :

"Comme tant d'autres, depuis ma naissance en 1945, j'ai vécu à l'abri de l'antisémitisme et je peux avoir à Paris "le nez crochu, la barbe noire ou rousse et les jambes torses sans être pour autant méprisable"". Une dédicace spéciale à un commentaire laissé sur un billet autour de ce leitmotiv israélien qu'est l'antisémitisme français.

Je repars donc demain et laisse ici, en France et à Paris, une partie de ma vie. Amis et familles principalement. Pour retrouver une autre partie de ma vie.
Mon Israélien, mes amis, mon job. Principalement. J'ai donc le cul entre deux chaises, entre deux mondes. Le plus dramatique est qu'ils paraissent inaccessibles l'un à l'autre, incompatibles. On ne peut vivre dans l'un sans être infidèle à l'autre. Ce n'est pas spécifique à ces deux mondes entre lesquels je me partage, bien entendu. Mais Jérusalem et Paris, deux villes et vies où je me suis profondément ancré, sont deux ensembles qui ne se recoupent pas. Voire se repoussent.

Je repars pour six mois sans vraiment savoir que faire après l'été. L'ancienne certitude de revenir en France rapidement n'est plus vraiment là. L'ancienne passion d'un été s'est
émoussée, nolens volens. Mais j'ai la certitude qu'elle reste toujours dangeureuse, tapie là où elle est. Et puis, là bas, une vie à deux s'est construite, avec mon Israélien. Sans que l'on ne l'ait toutefois réellement décidée. Repasser par Paris est toujours un épisode sympathique et douloureux qui provoque inlassablement le même questionnement. Il est tellement plus simple de rester. Pourquoi (re)partir ?

C'est parfois drôle de dire à ses amis les plus proches "à dans six mois". Mais lorsqu'on le dit tous les six mois depuis quatre ans, les mots sonnent toujours un peu amers. Je dis ça, je dis ça... Mais je suis aussi content de rentrer vers mon autre moitié de vie. Je ne suis pas Balance pour rien.

To be continued.

Publié dans Jour après jour

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M
Bah c'est bien naturel de se sentir un peu partagé comme cela. Tu as assez vécu là-bas pour t'attacher à cette vie, et puis c'est un boulot sympa, et une relation amoureuse cool aussi ?? :-))) Mais bon tu n'en restes pas moins parigot !! ;) Tu verras bien dans 6 mois, mais je crois que ce sera juste la même chose. Huhu.
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