L'angoisse de la page blanche

Publié le par Qalawun

Être sujet à l'angoisse de la page blanche après avoir ouvert un blog, est-ce possible ? Oui. Angoissé par les problèmes de référencement, de blogrank, de nombres de visiteurs quotidiens, de nombre de pages vues, de poids de la page d'accueil, de subtilités de balises méta et autres codes html, on peut tout d'un coup se sentir bloqué, vide d'idées, d'imagination. Ouvrir un blog nous lie un peu avec l'obligation de résultat, résultat qui est d'être lu. Il faut pourtant sortir de ce besoin tenace de reconnaissance. Je m'efforce d'y mettre du coeur après avoir pris cette décision de rouvrir l'espace. La conscience me pousse à une obligation de moyens, motivé que je suis par le besoin d'être vu, lu et connu. Qu'écrire quotidiennement pour nourrir les fils rss, renvoyer les pings et permettre les trackbacks ? Ce blog ne doit pourtant pas être une fenêtre ouverte sur qui je suis, tenu à l'obligation de neutralité vis-à-vis d'un certain nombre de sujets touchant le proche-Orient, principalement. Signer d'un pseudo c'est attirant, pour autant qu'on ait une relative notoriété. Sur ce blog je devrai m'empêcher de parler de sujets qui me toucheront, sur l'endroit où je vivrai. A peine pourrai-je publier quelques photos qui, j'espère, parleront pour moi. Être neutre est plus facile que d'être tenu au silence.
Je pourrais parler de mon été, renversant, ravageur, apportant trop de questions et peu de réponses, partagé entre la capitale et les Charentes. M'assoir sur ma côte sauvage entre le Griveau et le Gillieux et regarder le ciel, penser au sultanat d'Oman, aux Cyclades et au reste du monde, ne pas savoir où l'on est vraiment, sur ce bout d'île bobo, les pieds dans le goémond. Le coeur a la nausée de tant d'odeurs marines, mazout d'un dégazage, mouches pullulantes, algues fraîches et bouchots décomposés, et l'odeur d'iode toujours. J'ai été très amoureux. Amoureux à traverser le monde et amoureux à oublier un passé d'or. Amoureux à vibrer comme et pour un coup de téléphone, amoureux de ces moments magiques plus peut être qu'amoureux d'un être, j'en sais rien. Trop de symptomes qui me font dire que ce n'est pas une maladie simple. Fuite en avant vers le mur, refus de la simplicité, recherche de la passion, moments intensément insensés, passés à deux pour finir seul à se demander si l'on a bien fait. La passion qui flanche et c'est demain qui fait peur. Se projeter dans l'avenir, faire des plans, oublier le mur vers lequel notre coeur fonçait. Troquer cette drôle d'impression de vivre pour vivre plus longtemps, à deux. Ce que c'est compliqué l'amour. Aime-t-on l'homme ou la situation, le contexte, le rôle ?  Le regarder sans cesse, bander à sa vue, à son rire, lui remettre sa couverture, préparer son dîner, prendre le volant pour le voir s'endormir sur le siège passager, éclatés qu'on était par le sable et la piste, sauter à deux la barrière pour faire l'amour dans la rue, dormir sur des cailloux et s'en foutre parce qu'on est deux, se donner complètement et raconter ses maux, arriver comme une fleur avec soi et c'est tout, penser à lui ailleurs en se levant le matin, c'est aimer ? Pourquoi ça ne dure pas plus longtemps, pourquoi tout oublier si vite, pourquoi vouloir cette drogue plus puissante que les autres, pourquoi s'y vautrer comme Robinson dans Speranza ? Carpe diem, profite, profite, profite, c'est peut-être le dernier jour. Ultima forsan. Et pour reprendre d'autres propos d'horlogers, vulnerant omnes, ultima necat. A devoir se blesser, autant le faire en aimant. Le reproche de masochisme est fatigant. L'obligation de "construire" est irritante. Même quand on sait que l'autre est une rareté, une perle, un homme génial. Mais peut-être ne l'aime-t-on pas assez, pour refuser cet avenir, peut-être etc. C'est une drogue, un besoin d'air, de mouvements, de liberté, une envie d'expérience, un passage sans aucun doute, mais nécessaire.

Publié dans Jour après jour

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