A l'hôpital d'Ein Karem

Publié le par Qalawun

Ces rues sont toujours embouteillées. J'en ai marre de passer la première, la seconde, la première, le point mort, à longueur de trajets. Surtout en sortant du boulot. Encore la seconde. Je pile dans la descente vers Emek Refaïm et la German Colony. Ce soir, S. est malade. Elle est à l'hôpital et il faut lui rendre visite. Je zappe la Chambre du fils de Moretti que je devais voir au ciné pour payer ma visite à l'hôpital Hadassa - Ein Karem. Je vais chercher mon Israélien chez lui. C'est lui qui m'a prévenu, puis c'est surtout sa copine.

Le route est longue. Je pousse un peu le moteur pour doubler sur une ligne blanche. Rien à craindre des flics ici. La descente le long de cette colline boisée se fait rapidement. La route tourne beaucoup et les voitures se font plus rares, tout le monde n'allant pas à l'hôpital un mardi soir. Heureusement. On aperçoit les bâtiments de l'immense complexe hostpitalier. Au milieu des arbres. Je pense à la clinique de la forêt Noire mais c'est pas ça. Il faut s'arrêter au contrôle des voitures. Deux agents de sécurité jettent un coup d'oeil par la fenêtre. Pratique pour les urgences. Il faut s'arrêter ensuite prendre un ticket pour le parking. Là, j'en crois pas mes yeux. Il faut un ticket de parking pour rentrer en voiture à l'hôpital. En plus, quand on connait la faible qualité des transports publics israéliens, c'est vraiment se foutre de la gueule du monde.


J'ai mon ticket. On descend pour trouver une place. La route tourne toujours. Aucun espace de parking, les gens se garent n'importent où. Ca sert bien de payer un droit d'entrée. Et là, apparait un gigantesque bâtiment, un immeuble bariolé de panneaux publicitaires et d'enseignes clignonantes... et là, apparait le mall de l'hôpital ! Il y a un centre commercial à l'hôpital Ein Karem. On trouve une place à l'entrée d'un parking souterrain avec une autre barrière à ticket. On sort et nous engouffrons dans le parking. Ascenseur neuf. Ca monte. Contrôle de sécurité, portique détecteur de métaux. On rentre dans le mall. Il faut passer par le mall pour arriver à l'entrée de l'hôpital ! C'est bien la première fois que je vois ça. Un café Aroma, sorte d'équivalent israélien de Starbucks, un Castro, sorte d'équivalent israélien de Zara, des magasins de sport, un photographe. Enfin, j'aperçois l'entrée de l'E.R., les urgences. Du monde s'affaire autour d'une ambulance. Des gens fument à l'extérieur des grandes portes de verre. Nouveau contrôle, nouveaux portiques métallique. Devant nous, trois vieilles Palestiniennes en robe brodées. Elles montrent leurs ID israéliennes de résidentes de Jérusalem. Elles prennent l'ascenseur avec nous mais s'arrêtent au cinquième.

C'est le sixième étage, service d'otorhynolaryngologie. Les murs sont un peu décrépis. Une infirmière à la classe toute russe se débat avec son portant à plateaux repas. Ce que je prends pour des restes de nourriture dans les plateaux sont en fait des dîners complets. L'infirmière me rappelle la cantinière de l'aéroport de Moscou, en escale vers Bangkok. Un temps indéfini à attendre là bas, à regarder cette caricature d'ouvrière gastronome et communiste. Hadassa. S. partage sa chambre avec quatre autres femmes. Une Palestinienne voilée. On se sourit. Un mec avec du coton dans les oreilles vient discuter avec une femme qu'un télé suspendue à un bras articulé obnubile. Ce que je prend d'abord pour un oscilloscope est en fait la télé, lévitant à quelques centimètres devant le visage de la malade. Des rideaux un peu sales séparent les patients. Une fait des mots croisés en anglais avec sa fille. La musulmane part pour revenir avec deux tranches de pain. J'en entends une autre jouer au Sheish Beth. L'avant-dernière est avalée par sa télé quand la dernière, S., est bien avec nous. Petite chose recroquevillée sur plein d'oreillers. Une perfusion plantée dans le bras. Elle a pris cinq ans. On rigole sur le fait qu'on ne s'embrasse pas, elle nous contaminerait.

L'infirmière russe arrive avec son portant et distribue sa maigre pitance. S. n'aura que du liquide ce soir. Au choix, blanc, mauve ou beige selon les différents ramequins du plateau. Une part de quatre quart est la seule chose solide. Je pense que je ne veux pas être malade. Je touche du bois et pose ma main sur le fauteuil de mon Israélien. Une manivelle pour changer l'inclinaison du dossier ressemble à un sextoy noir en latex moulé. On rigole. Elle sortira d'ici quelques jours.

Publié dans Jour après jour

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