La mort lente de nos mythes

Publié le par Qalawun

Hamoudi, c’est comme ça qu’il m’appelle. Il faut y mettre la jota espagnole. Jamoudi. Mon mignon ou quelque chose du genre. Je l’appelle Hamoudi aussi. Comme les vieux couples. Si bien que quand on s’engueule on s’appelle par nos prénoms. Ca tranche. Surtout qu’on s’engueule assez souvent. Enfin. C’est bien de s’engueuler. Ca remet les choses en place. Puis j’aime bien m’engueuler. Avant je ne le faisais quasi jamais, ou alors je ne me rappelle pas. On s’engueule pour ces amis respectifs qui ne parlent pas la même langue que notre pièce rapportée, principalement.

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Pour mes amis qui sont devenus comme une deuxième famille. Mes amis qui bien souvent sont une priorité. Pas si facile à expliquer. Faisons simple. On est vite phagocyté par une communauté expatriée restreinte en nombre, obnubilée par les mêmes préoccupations, produit d’une même culture dans un monde étranger, à l’aspect accueillant et chaleureux. Pas que l’aspect d’ailleurs. On trouve chez eux de quoi oublier un peu ce qui pèse sur les épaules, des atmosphères familiales fuies parce que parfois étouffantes, une atmosphère politique plus lourde qu’un gros plomb, une vie quotidienne trop souvent rythmée par les témoignages des racismes et des discriminations.

Ce n’est pas non plus une vie sous les balles, certes. Je ne vis pas à Bagdad, ni même à Kaboul ou à Nahr el Bared. Plus personne n’y vit d’ailleurs. Mais c’est une vie dans un monde collé dans ses mythes et ses intégrismes. Le mythe de la terre, de la Palestine historique et d’Eretz Israel, le mythe du Temple gisant sous l’Esplanade des Mosquées, détruit et détruit à nouveau. Ou bien le mythe d’une Jérusalem qui n’aurait jamais été juive et le mythe de l’Etat juif qui devrait le rester. Jérusalem, une ville bigote, bicéphale et cannibale. Une ville lourde, bitumée, certains soirs biturée, tout en collines, repaires de brigands religieux ou fainéants, incultes et fatigués. Une ville prie pendant que l’autre subit, étouffée.
 Keep Jerusalem Alive. Le mot d’ordre du Festival de Jerusalem-Est m’a profondément marqué. Je le disais dans un billet précédent.

Cigarette. Mettre fin aux mythes. Dealer avec la réalité ? La réalité, tout le monde l’a vue. Elle n’est pas gaie. Donc conserver ses idéaux et les brandir contre les politiques du fait accompli pour qu’elles ne deviennent pas la loi ? Conserver ses idéaux c’est aussi vivre sur des mythes. Celui des libertés fondamentales, celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, celui de s’obstiner à croire que le droit international peut s’imposer partout, celui d’un concert harmonieux des nations, les mythes que nous avons construits.

Nolens volens ces mythes s’effritent. Les données sur les voyageurs transatlantiques, les caméras dans Paris, l’indépendance du Kosovo et le précédent qu’elle créerait, la Tchétchénie, (d’accord, deux problèmes liés à l’intransigeance de la grande Russie), l’impudence d’Israël. Il y a parmi les définitions du mot mythe, celle-ci : « Chose rare, ou si rarement rencontrée, qu’on pourrait supposer qu’elle n’existe pas ». Finalement, nos mythes ont toujours été mort-nés. Comment s’appelle un mythe par anticipation ? Un idéal ? On a les mythes et les idéaux que l’on veut. Gardons les notre, assurément, ce sont les bons.
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Publié dans Jour après jour

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P
Hors mon court séjour à vos côtés, ce que je sais des Israëliens et des Palestiniens, c'est ce qu'en dit Le Monde chaque jour... Et aussi quelques artistes... Les mythes, les idéaux... The Bubble... Où comment même des jeunes engagés pour l'idée de la défense des droits des Palestiniens peuvent parfois douter quand le Palestinien est face à eux... Les mythes et les idéaux sont parfois une motivation bien fragile...
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D
Les mythes sont avant toute chose des objets de croyance…….. La réalité, c’est que de nouvelles recherches montrent que des centaines de mosquées, ainsi que quelques synagogues millénaires, ont été détruites par le nouvel Etat d’Israël dans les années 1950 pour effacer les traces du passé ! (Voir article de HA’ARETZ). Dominique.
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A
Au contraire, je criante qu’on fabrique des nouveaux mythes comme des cons pour justifier nos choix et puis, des fois, tout se collapse.  On peut être des athées sans soucis depuis vingt  ans mais on n’arrête pas les mythes… Tschuss Ana G   (BTW- did you recieve my email on your free account?)
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