Suspendez moi !

Publié le par Qalawun

Tags : Piercing Suspension

Sept chevaux et un chameau me croisent dans la grande montée qui va jusqu'à chez moi. Je reviens du Chrétien du coin où je suis allé acheter une bouteille de rouge pour le kiddoush. Ce soir, c'est dîner de shabbat. De temps en temps, pourquoi pas. Il fait froid. Il fait nuit. Avec l'Aid et le shabbat, tout est fermé ce soir. J'en profite pour marcher et laissé la voiture à la maison. On croise rarement autant de chevaux d'un coup ici. Toute une famille montée sur les canassons. La mère et les enfants dans une cariole à laquelle est attaché un dromadaire famélique. Un gamin se met à galoper jusqu'à la jeep de la police israélienne garée en bas. Il bifurque vite pour rentrer dans le quartier de Sheikh Jarrah. Ca sent la bête. J'ai aussi acheté du porc. Je me suis dit que pour shabbat ça sonnait bien. Pour mon gratin de choux fleur.

Lever à 14 heures. J'avais pris un jour de RTT aujourd'hui. Le premier jour de congé depuis mon retour en terre sainte, début septembre. Salvateur. Fatigué. Ca m'a permis de passer une délicieuse soirée hier. Restaurant, vin rouge. Qu'on évitera de prendre du Golan occupé. Je choisi un rouge de Galilée. Restons local mais légal. S'ensuit une troublante expérience. Dans une salle d'une maison en pierre en face de mon bar habituel, le Gula, un jeune homme va être suspendu par la peau. Une trentaine de personnes sont déjà là lorsqu'on arrive, vers 22h30. Lumière rouge, écran où est projeté un documentaire sur le piercing, le body art, etc. Et, comme une magnifique pré-oeuvre d'art auréolée d'une lumière rouge, une corde, des poulies et 4 mousquetons. Centre hypnotique de l'endroit. Un lit d'opération recouvert d'un drap blanc, un chauffage de terrasse de café, des gants de chirurgien, des instruments. 

Piercing suspension dos

Le documentaire nous montre d'abord des tatouages, des implants sous-cutanés, un homme tigre que j'avais déjà vu, aux dents retaillées, à la lèvre fendue. Tétons, lèvres, crânes retravaillés. Un homme se découpe la langue en deux au scalpel. Pour faire une fourche. Le documentaire commence à devenir hard. Un homme assis sur un lit se perfore la verge. Sang. Images rapides qui se succèdent. Gland double, cisaillé puis cicatrisé, pénis dédoublé, comme ceux des requins. Lacérations génitales, hommes ou femmes. Je me tourne. Du sang, taillage dans la chair. Le médecin qui pratique ces mutilations génitales parle clairement, derrière des lunettes d'intellectuel. Un médecin américain, citadin, inspirant la confiance. Taré, torturé, psychopathe. Vraisemblablement cannibale. Je vais me chercher une vodka tonique. On revient. La lumière rouge nous replonge dans l'ambiance. Je monte sur un chaise avec mon Israélien. Un homme demande cinq mètres de sécurité pour conserver un minimum de règles d'hygiène. Nous sommes tous collés à moins d'un mètre du corps allongé sur le ventre, sur le lit. Les deux hommes s'affairent sur son dos. Très vite ils accrochent au dos de l'homme quatre gros hameçons de 6 ou 7 centimètres de long. Il se lève, boit encore de l'alcool. Pour s'anesthésier. Il lève les bras comme pour crier victoire. Aucun son ne sort de lui. Un ou deux applaudissements. Tout le monde a détesté le reportage. Beaucoup d'entre nous sont là pour voir. Voir. Voyeurisme. Jauger la souffrance de l'autre. Sentir ce qu'est une mutilation. Volontaire. Pas de problème de conscience. Du frisson par procuration. Les quatre hameçons ont accroché les mousquetons.

suspendu par le dos piercing
Il tient lui-même la corde pour se hisser. Doucement, tout doucement, ses pieds quittent le sol. Il est impassible. Il commence à se balancer, comme un pendule. Comme un pantin. Il tourne. Un des deux gars prend la corde et le hisse au dessus de nous tous. Lumière rouge. Des quatre perforations s'écoule une longue coulure pourpre. Il saigne. Un, deux, trois tours. Trois minutes. Il redescend. Applaudissements de la foule. Je siffle. J'ai failli tomber de ma chaise plusieurs fois. Les photos sont sur mon téléphone portable. On va boire. Notre curiosité malsaine désormais assouvie.

Je reviens dans la pièce une demi-heure plus tard. Une jeune fille est couchée sur le dos, le ventre nu. Les deux apprentis perceurs ont toujours leurs gants verts. Elle a déjà un gros hameçon dans le ventre. Il lui en faudra trois autres pour être suspendue. Je ne verrai pas la performance, préfèrant mon verre de vodka tonic et les coups de culs à donner en dansant.

Gula, Toys bar. La nuit est belle. Je m'amuse. Mon Israélien s'en va. Il me dira ce matin que c'est moi qui lui ai demandé de partir. J'avais les larmes aux yeux. Je ne me souviens de rien. J'ai passé une excellente soirée, avec tous. Pas de raison d'avoir pleuré. Même si j'ai l'alcool triste. Je récupère mon Israélien. On rentre. Il est 4 heures. Ce soir, Tel Aviv. Barzilai et Breakfast. Bars et clubs. La fin de l'année, Noël, les départs, les vacances, danser, boire, ne pas travailler, vivre. Grosso modo.

Publié dans Jour après jour

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