Dieu écrit droit avec des lignes courbes
Le pire n’est pas toujours sûr. On pourrait espérer se dire ça, en vivant ici, dans ce Proche-Orient déchiré. Farfour, la souris Mickey du Hamas, est morte assassinée par un agent du Mossad. Al Aqsa TV, la télé du Mouvement de la Résistance Islamique s’est évertuée pendant des mois à présenter aux gamins cette souris trafiquée, à la candeur nauséabonde, martyrisée par l’ « ennemi sioniste ». Utiliser un ersatz de symbole américain pour justement cracher sur l’Amérique, il fallait le faire.
Ce qui m’a fait rire, c’est l’évocation sur France 2 par Charles Enderlain du silence inhabituel de la firme Disney sur cette atteinte à la propriété intellectuelle. Disney s’empresse généralement de poursuivre ce genre de plagia. La raison du silence ? L’Amérique aurait peur des représailles terroristes. C’est en trop pour le Hamas, deux fois taxé d’appartenance au terrorisme international en quelques jours. Mahmoud Abbas accusait cette semaine le Hamas de protéger Al Qaïda et de laisser la pieuvre prendre pied à Gaza. Des accusations telles que celles-ci ne sont pas à considérer à la légère à l’heure où l’on parle de l’envoi d’une force internationale à Gaza. Solana disait hier : « La présence d’Al Qaïda s’est étendue des camps de réfugiés palestiniens du Liban à la bande de Gaza ». Levée de boucliers palestiniens (pas ceux du Fatah) : « Voulez-vous d’un Irak, d’un Afghanistan, d’une Somalie dans la bande de Gaza après l’envoi d’une force internationale ? ». La guerre contre le terrorisme a le bras long et ses instigateurs sont prompts à la détente. Bref, il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. Il est clair que ces accusations s’inscrivent dans la guerre partisane qui sévit entre le Fatah et le Hamas. Le Hamas a nié ses liens avec Al Qaïda (bien évidemment me direz-vous) et a même essuyé les critiques du numéro 2 d’Al Qaïda pour sa gestion du conflit israélo-palestinien. Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. Ne croyons pas que le Hamas, ni même Al Qaïda, fera sauter Disneyland si la firme aux grandes oreilles fait un procès à Al Aqsa TV…
Que peut-on retirer de bon d’un personnage comme Farfour sur une des télés palestiniennes ? Une diabolisation du Hamas ? Un élan de compassion pour le peuple israélien ? Un amalgame dangereux se nourrissant d’une fièvre obsidionale qui grandit ? Que peut-on retirer de mauvais d’un Farfour à Al Aqsa TV ? Un clou enfoncé dans l’esprit de gamins malléables mais déjà traumatisés ? Une perpétuation de mythes décennaux ? L’éveil de vocations enfantines à venger Farfour ?
Le pire n’est pas toujours sûr mais l’on s’en approche grandement. Etiam peccata… Qu’on se débarrasse du Hamas à cause d’une souris, nous n’en sommes pas loin. Surtout quand l’éléphant prend peur de la souris. Dieu écrit droit avec des lignes courbes…
Aux Claudel.